Sur la place de mon village


Sur la place de mon village,
A l'époque où j'étais pas grand,
Il y avait toujours plein de gens,
Qui caquetaient sous les ombrages,
Qui m' taquinaient en me croisant...
C'est pas qu'ils avaient rien à faire,
Mais ils l' faisaient tranquillement,
Ils couraient pas après le temps...
Vu qu'alors, de toute manière,
On l' passait rien qu'en travaillant...
Sur la place de mon village,
A l'époque de maintenant,
Y' a plus d'arbre', y' a plus de gens,
Ou bien des qui sont de passage,
Ils se gare', et fichent le camp (bis).

Sur la place de mon village,
Y' avait des vieux, assis sur l' banc,
Qui ressassaient le bon vieux temps,
Quand ils avaient ben trop d'ouvrage,
Pour rester assis sur le banc...
Y sont à la maison d' retraite,
Y pacage' et y parlent plus...
Y' a la télé en continu...
« Retraite » ! On croirait que l'ancêtre,
On va le traire un' fois de plus !
Mais des vieux, on nous en amène,
A plein cars, venus de la ville,
Y' en a d' partout, dés l' mois d'avril,
Vont voir l'église en file indienne,
Y font pipi, et pis y filent (bis).

La fontaine où buvaient les bêtes,
On l'a rasée, pour y bâtir
Un « Point I », où vont s'enquérir
Les touristes, ces gros bébêtes,
Même où s' prom' ner, y faut leur dire.
On allait à la messe, en face,
Boire un p'tit blanc, chez l'Odilon,
Et parler un peu du canton...
Z'ont mis un « fatfoude » à la place,
Où y n'y a que des merdaillons...
Sur la place de mon village,
Y'a l' monument d' la der des der
Les prénoms font rir' les prend l'air...
Il est souillé de barbouillages,
Ç
a doit bisquer chez les grands-pères (bis).

Ell' m'aimait bien, la belle Annette,
Jamais elle oubliait d' sourire
Main' nan ell' passe sans rien dire,
Ell' remet plus ma bobinette,
Elle est vide de souvenirs...
« Le monde change », y dit le maire,
Guèr' plus qu' la place, à mon avis...
Content, pas content, c'est la vie !
Une vie que je prise guère,
J'aimais mieux quand j'étais petit...
Sur la place de mon village,
On sent plus ce petit zéphyr
Qui donnait envie de courir,
Mais la touffeur d'avant l'orage,
Qui vous cloue chez vous, à languir (bis)